Fermentation lente (#RespectusPanis) : retour d'expérience après plus d'un an de pratique
Suite à une question qui m'a été posée, voici un retour d'expérience sur ma pratique de la fermentation lente.
Qu'est-ce que la fermentation lente ?
Par fermentation lente, j'entends une fermentation qui démarre très lentement car on ne met que 1% de levain par rapport à la quantité de farine (donc 10 g de levain par kg de farine).
Cette méthode de panification, qui existe depuis un moment déjà, a été vulgarisée fin 2017 par un livre.
Elle apporte de nombreux avantages :
- Moins de sel : je suis passé de 18g par kg de farine à 13 seulement, sans que cela ne se sente. C'est donc beaucoup plus sain, et cela convient bien aux personnes qui ont une consommation de sel limitée pour raisons médicales.
- Une fermentation longue, qui détruit l'acide phytique et permet le développement des arômes.
- Une réduction du temps de pétrissage (mécanique) à seulement 2 minutes, là où les pétrissages mécaniques habituels étaient plutôt entre 5 et 8 minutes. Ceci dit, comme je pétrie à la main, mon temps de pétrissage est un peu plus long, mais cela contribue à maintenir un gluten faible et donc digeste.
- Je cite Christian Rémésys, nutritionniste à l’IRNA : "Dans ce nouveau procédé de panification, la dynamique du travail enzymatique de la pâte est très différente de celle des méthodes à fort ensemencement (10 g de levure/ kg, 150 à 200g de levain).Avec des apports infinitésimaux de ferments, les enzymes de la farine ont tout le temps nécessaire pour libérer les sucres, les acides aminés et les facteurs nécessaires à la croissance microbienne. La libération de sucres est tellement excédentaire que les bactéries lactiques ne peuvent plus les utiliser entièrement pour leur métabolisme, si bien qu’elles les assemblent en exopolysaccharides, ce qui donne un moelleux remarquable à ce type de pain, particulièrement appréciable dans les pains bis ou complets."
- On observe aussi bien d’autres améliorations, la conservation du pain, son index glycémique, la transformation des fibres, la biodisponibilité en micronutriments.
- L'un des principaux avantages, pour moi, consiste en la possibilité de pointer (longuement) à T° ambiante, ce qui permet d'éviter l'utilisation de frigos : la méthode est donc "low tech", économique (on peut produire de grandes quantités de pain sans acheter de nombreux frigos coûteux), écologique et résiliente, ce qui n'est pas un mince avantage dans un monde où l'énergie va devenir un soucis (en coût et en disponibilité) et où la disponibilité de la technologie posera peut-être aussi un problème un jour... mais c'est un autre sujet, et même un autre blog ;))
Recette du pain Nature :
- 1% de levain
- 13g de sel au kg de farine
- TH de 66% (on ne considère pas le levain, qui est ici négligeable)
- T° de base : 70°C
Recette du pain aux fruits (graines, noix, raisins, etc...) :
- 1% de levain
- 13g de sel au kg de farine
- TH de 69% (on ne considère pas le levain, qui est ici négligeable)
- T° de base : 70°C (à condition que les graines et autres fruits soient à 21°C. S'ils sont plus froids, il faudra remonter un peu la TB, par exemple à 73°, en chauffant l'eau un peu plus. A tester en fonction de vos conditions de stockage)
- 150g de fruits secs pour 1 kg de farine
- les fruits sont hydratés la veille entre 35 et 40% de le poids en eau, pour éviter qu'ils ne pompent l'eau du paton.
Recette du pain de seigle :
- 1% de levain
- 13g de sel au kg de farine
- TH de 70% (on ne considère pas le levain, qui est ici négligeable)
- T° de base : 85°C
Recette du pain de petit épeautre :
- 1% de levain
- 13g de sel au kg de farine
- TH de 55% (on ne considère pas le levain, qui est ici négligeable)
- T° de base : 70°C
Protocole
On ne le répétera jamais assez, et je l'ai appris à mes dépends, on a beau connaître la recette et le protocole, il est fortement probable que votre résultat sera différent, en raison de tout ce qui changera chez vous : tour de main, farine, levain, matériel, technique, etc... Voici néanmoins comment je procède :
- Frasage & pétrissage : Concernant ma méthode de frasage et pétrissage, je vous renvoie à cet article qui décrit ma méthode fractionnée, dont je suis très (très) content.
- Pointage : 16h à T° ambiante (21°). Au-delà, le pH tombe bas (4.00 ou moins au bout de 18h à cette T°) et le réseau de gluten est attaqué par les enzymes protéases.
- Façonnage : Rien de particulier
- Apprêt : 90 minutes à 21°
- Cuisson : 250°C pendant 35 minutes pour les pains de 500g, 45 minutes pour les pains d'un kg, les 10 minutes de plus étant à chaleur tombante.
A noter : le levain est sorti du frigo le mardi soir, rafraîchi une fois, puis laissé 2 jours à TA, avant d'être rafraîchi le jeudi soir, puis le vendredi matin, et gardé à 21° avant utilisation le vendredi soir.
Les résultats pratiques
Cette méthode de panification permet de panifier à peu près tous les types de pains, les brioches, etc... : Sur les photos ci-dessous, on trouve ainsi côte à côte, de gauche à droite :
- Un pain de seigle
- Un pain aux noix
- Un pain aux raisins
- Un pain nature
- Un petit épeautre
- Une brioche pur beurre
Je vous livre quelques photos complémentaires, sachant que le pétrissage est manuel, volontairement limité pour ne pas produire un gluten trop indigeste, ce qui ne permet pas nécessairement d'obtenir d'énormes alvéoles. Mais je privilégie les qualités nutritives à une certaine esthétique.
Tourte de Seigle. Fabriquée exactement de la même manière que les autres pains, sans se compliquer la vie, avec juste une T° de base de 85°C.
Voir aussi :
- http://lamiedupoiraud.over-blog.com/2019/01/1-petrissage-manuel-4-types-de-pains-et-2-th.html
- http://lamiedupoiraud.over-blog.com/2018/03/pain-en-fermentation-longue-et-lente-le-meilleur-pain-du-monde.html
- http://lamiedupoiraud.over-blog.com/2017/12/respectus-panis-un-livre-en-demi-teinte-sur-une-nouvelle-methode-de-panification.html