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La Mie du Poiraud

Juste de l'Eau, de la Farine et du Sel (Partie 1)

July 1 2017 , Written by La Mie du Poiraud Published on #Chemin du Pain

Juste de l'Eau, de la Farine et du Sel (Partie 1)

Un ami m’a dit un jour, pendant que j’étais dans un stage d’une semaine : «Une semaine de formation pour du pain qui n’est qu’un mélange de farine et d’eau ?? »

Oui, une semaine, et puis une autre et puis des heures, des jours, des semaines, des mois passés à essayer, chercher, recommencer, lire, analyser, rencontrer, tester, questionner… Au final, il semble que l’on puisse passer des années, voire une vie, à chercher son Pain idéal. Alors même que l’Homme fabrique du Pain depuis 10 000 ans…

De l’eau, de la farine et du sel. Sans rien d’autre à part du Levain, lui-même constitué de farine et d’eau, et de bactéries sans qui la fermentation ne serait pas, et sans qui le Pain de blé ne serait qu’un pain dense comme le seigle.

A chacun ensuite de choisir la qualité de ces 3 ingrédients fondamentaux :

  • L’eau : de source, ou du robinet, filtrée ou pas, dynamisée ou pas…
  • Le sel : industriel (NaCl), ou issu de marais salants naturels (Guérande, Noirmoutier,…)
  • La Farine enfin :
    • de blés modernes ou paysans, bio ou non,
    • de froment, d’épeautre, d’engrain, de korasan, etc…
    • produite sur meules métaliques (cylindres) ou sur meules de pierre

Avec tout ce que ces choix peuvent impliquer dans la qualité finale du Pain que l’on fait avec. On n’obtiendra pas le même résultat nutritionnel avec une farine de blé moderne non bio faite avec un moulin à cylindre en plusieurs passes, qu’avec une farine de blé paysan bio sur moulin à meules de type Astrier !

Des approches différentes

Une minorité des pains proposés sur le marché ne contient que ces trois seuls composants : la farine fournie par les minoteries en contient beaucoup plus (améliorants, conservateurs,…), et les boulangers y ajoutent des levures. Nous ne mentionnerons pas ici les insecticides, fongicides, herbicides issus de la culture des blés ou de leur stockage.

Si vous cherchez « améliorants de panification » dans Google, les industriels affichent des argumentaires tel que celui-ci :

« Les améliorants de panification XXX sont reconnus par les professionnels les plus exigeants à travers le monde. XXX propose une large gamme qui combine, de façon équilibrée, des ingrédients fonctionnels : agents de réduction, agents d’oxydation, enzymes, ingrédients à effets spécifiques… pour améliorer la performance de la pâte et la qualité des produits finis. »

Si l’on en croit cette synthèse très neutre sur le sujet, les ingrédients les plus courants (la liste est donc non exhaustive) sont : gluten de blé, farine de blé malté, levure désactivée, germe de blé, farine de soja, farine de fèves, malt torréfié, levain déshydraté, dévitalisé ou désactivé, extraits de malt, gluten hydrolysé, fibres, dérivés laitiers (dont lactosérum), sucres (dextrose, fructose,...).

Quant aux additifs les plus courants (selon le produit de destination) : acide ascorbique (E300), lécithine (E322), mono- et diglycérides d’acides gras (E471), Datem (E472e), SSL ou CSL (E481, E482), texurants, L-cystéine (E920), sorbates (E200-203), propionates (E280-283), poudres à lever.

Enfin, les enzymes les plus courantes : amylases, xylanases, glucose oxydases, cellulases, protéases, transglutaminases et lipases.

Ces additifs répondent aux altérations apportées aux blés par l’industrie céréalière conventionnelle et par le processus de production de la farine industrielle, de même qu’ils apportent des réponses aux contraintes modernes :

  • Contraintes mécaniques des machines utilisées dans des processus de production industriels de masse,
  • Contraintes de production dans un domaine où la production est parfois pénible (transport, congélation, fournées successives, variations climatiques…)

Mais comment peut-on parler de Qualité et d’exigence dans ce contexte ?

Au final, ne sommes-nous pas victimes de ce qui a été appelé «changement des états de références » ( « Shifting baseline » en anglais) par les anglo-saxons ? Ce n’est pas nouveau, et en 2002 je traduisais déjà un article traitant de ce concept qui décrit notre capacité à considérer un état de référence à un instant T comme étant une Norme. L’article donnait un exemple :

« Le nombre de saumons dans la rivière Columbia du pacifique Nord-Ouest est aujourd'hui deux fois plus élevé que dans les années 30. Cela semble une bonne nouvelle si les années 30 sont votre état de référence. Mais la population de saumons de la rivière Columbia dans les années 30 représentait seulement 10% de ce qu'elle était dans les années 1800. En 1930, les chiffres reflétaient un état de référence qui avait déjà changé. »

Il en va de même de toutes choses, et le Pain n’y échappe pas, puisque nous considérons désormais normal de manger un pain privé de nutriments mais saturé de produits chimiques.

3 ingrédients mais tellement de combinaisons !

3 ingrédients suffisent normalement, donc, à faire un pain de qualité, surtout si l’on dispose d’une belle farine soyeuse et grasse issue d’un blé paysan bio, fraîchement produite (idéalement du jour !) en une passe par un moulin à meule de pierre de type Astrier !

Sans rentrer dans les détails du processus de fabrication du pain, il est étonnant de constater à quel point les paramètres du processus de panification sont nombreux, en interaction, ce qui donne un peu de fil à retordre à celui qui s’aventure sur le Chemin du Pain :

  • La température et l’hygrométrie du fournil
  • La température et l’hygrométrie de la farine
  • La température de l’eau de coulage que l’on utilise
  • Le taux d’hydratation de la pâte
  • La nature et la composition de l’eau que l’on utilise (source, robinet,…)
  • La nature et la quantité de sel (industriel, naturel,…)
  • L’état de l’eau (dynamisée ou pas)
  • La nature du ou des blés qui composent la farine (modernes, paysans, et variétés)
  • L’âge de la farine (si elle a été produite récemment ou pas)
  • La nature de la farine (blanche, bise, complète… )
  • La nature du levain utilisé (liquide ou dur)
  • La nature des fermentations que l’on utilise (à froid, à chaud, bloquées, lentes, rapides,… lactiques ou acétiques)
  • Les durées de fermentations (pointage, apprêt)
  • Le mode de pétrissage (manuel, mécanique)
  • La durée du pétrissage
  • Les gestes du pétrissage
  • La nature du pétrin mécanique (outil, type de pétrin,…)
  • La manière de façonner les pains
  • La nature du four
  • La durée de la cuisson et la température de cuisson
  • La manière dont on hydrate le pain dans le four (buée)
  • La localisation des pains dans le four
  • Les outils que l’on utilise (bannetons, couches, cornes,…)

Bref, autant de paramètres qu’il faut tester pour s’en rendre maître, et produire le meilleur pain possible. Ce qui me laisse un certain nombre de tests à faire avant d’être confiant sur ma technique !

 

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Comment on this post
P
Bonjour,<br /> Je découvre et me délecte à chaque lecture des pages de votre blog (y)
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L
Proftez :)<br /> Je n'ai pas écrit depuis un moment, mais je vais y revenir avec une expérience de Four à bois...
D
"Bref, autant de paramètres qu’il faut tester pour s’en rendre maître, et produire le meilleur pain possible"<br /> Peut-on se rendre maître d'un paramètre surtout lorsqu'il est changeant et capricieux ? On peut tout au plus apprendre à s'y adapter pour réaliser, chaque fois, une nouvelle "oeuvre d'Art" avec ses "propres propriétés" et "caprices" du jour...
Reply
L
Question de sémantique :)<br /> On peut soit subir un paramétre, soit le maîtriser je pense. Par exemple la température.