De l'Ethique du Boulanger ou sa responsabilité face aux enjeux de santé publique
Les Boulangers, comme les autres professionnels de l'alimentaire, portent leur part de responsabilité à l’état de la santé publique, au travers des choix qu’ils font pour la fabrication de leurs produits.
S’il était possible autrefois d’argumenter en faveur de l’ignorance des effets de certains aliments, il n’est guère audible aujourd’hui de prétendre la même chose.
Le Sel, source d’hypertension artérielle et d’AVC
L’excès de consommation de sel est aujourd’hui reconnu comme un des facteurs de risque d’hypertension artérielle et de maladies cardio-vasculaires, ainsi que d’autres maladies, dont le cancer de l’estomac. Une consommation excessive pourrait favoriser l’élimination urinaire du calcium et favoriser ainsi l’ostéoporose, une maladie provoquant la fragilisation des os et pouvant favoriser l'apparition de fractures (source ANSES.fr).
Si les organismes de santé publique (Ministère de la Santé) recommandent une dose de sel de 18g par kg de farine, il n’est pas rare de trouver des pains à 21g voire plus. La demande des consommateurs, formatés par les produits industriels sur-salés, y est clairement pour quelque chose, mais les boulangers utilisent volontiers le sel comme exhausteur de goût pour fidéliser la clientèle.
Pourtant, des nutritionnistes, tels Christian Remesy (Chercheur à l’INRA), prônent de descendre vers les 16g pour réduire encore le risque vasculaire, et des techniques de panification en fermentation lente (#RespectusPanis) permettent de descendre facilement entre 12 et 15 g de sel par kg de farine sans que cela se ressente vraiment au goût.
Le sucre raffiné et la farine blanche, sources de cancers
Dans un Occident où le sucre raffiné (saccarose) et les autres sucres (glucose, fructose,…) surabondent dans notre alimentation, les cancers explosent, même si cette tendance peut s’expliquer par le recul de l’âge de la maternité, le surpoids, la sédentarité et le tabac, ainsi que par l’exposition à certains polluants et par le dépistage individuel, qui conduit à détecter des tumeurs qui ne l’auraient pas été auparavant.
Certains médecins (dont David Servan Schreiber) imputent les doublements des cancers en 30 ans à la sur-consommation de sucres :
Des baguettes standards avec un indice glycémique élevés (82 contre 67 pour le pain au levain (*)), ou la viennoiserie dans laquelle on rejoute du sucre et du beurre, peuvent augmenter les risques nutritionnels. Pour ne pas mentionner la pâtisserie, qui utilise des quantités de sucres encore plus importantes. Les grains de sucre sur les viennoiseries sont certes attirants et goûteux, mais peut-être n'est-il pas bon d'en rajouter...
(*) Rappel : l'indice glycémique de référence (100) est celui du glucose pur. Un index glycémique de 80 signifie que l'augmentation de la glycémie avec cet aliment correspond à 80 % de celle obtenue avec du glucose.
L’acide Phytique, cet inconnu
« Les minéraux du pain peuvent être peu assimilables car dans les enveloppes du blé, le son, les minéraux sont liés par une molécule chargée qui s’appelle l’acide phytique, celui-ci se lie aux sels minéraux et oligo-éléments principalement présent dans les fibres ou le son du blé qui deviennent alors enfermés dans ce que l’on appelle des phytates de calcium, …de magnésium, …de cuivre, …de zinc, …de fer.
Si cet acide reste intact au cours de la panification et au cours de la digestion, il empêche donc les minéraux dans l’intestin de franchir la barrière intestinale pour passer dans notre organisme. Pas seulement les minéraux du pain d’ailleurs mais comme l’acide phytique est fort présent dans les graines, les autres minéraux apportés par les autres aliments ingérés peuvent se lier à cet acide phytique excédentaire. Ce qui peut même provoquer, une décalcification voire favoriser l’ostéoporose, néfaste surtout chez les personnes âgées qui consomment régulièrement du pain complet, croyant le faire pour leur santé. Et d’autres déminéralisation du corps, anémie = manque de fer, magnésium faible dans le bol alimentaire en général. » (Source CREBESC)
En clair, l’acide phytique présent dans le blé (mais aussi dans de nombreuses autres graines) entraine une déminéralisation qui peut entraîner l’ostéoporose mentionnée précédemment, mais aussi la chute des cheveux et des dents, des anémies et même le nanisme chez les enfants qui mangent beaucoup de pain complet à la levure (1).
Cet acide est cependant neutralisé par une fermentation avec un pH proche de 4 pendant plus de 12h, ce qui ne peut s’obtenir qu’avec une panification au levain et une fermentation longue. Les fermentations courtes ne permettent donc pas de détruire l’acide phytique, ce qui rend le pain bis ou complet à la levure dangereux pour la santé en cas de consommation importante :
(1) C’est une enquête de A.PRASAD de 1961 sur une population d’enfants iraniens et égyptiens qui mit en parallèle la consommation de pain complet non levé et pain complet fermenté et le syndrome du nanisme, état caractérisé par une très petite taille du à des troubles de croissance où est soupçonné la carence en zinc biodisponible. Le docteur PRASAD écrira une synthèse Zinc Metabolism en 1966
Curieusement, un certain nombre de boulanger ignore totalement cette facette du pain, et le sujet est absent des cours du CAP (du moins dans ceux que j’ai suivi).
Des méthodes de panification à changer pour le bien de tous
Il y aurait probablement beaucoup de choses à ajouter, mais on peut déjà conclure qu’une évolution des méthodes de production est possible pour le bien de tous, à la fois pour gagner en qualité nutritionnelle, et en goût.
Le choix de blés, bio, moins manipulés moins riches en gluten, de farines plus riches en nutriments et moins en additifs divers, la réduction des quantités de sel et de sucres, des techniques de pétrissages faibles qui n'oxydent pas la pâte et ne détruisent pas les vitamines, et l'utilisation de levain en fermentation longue (lente ou pas) : de quoi apporter une longue liste d’avantages qu’une population grandissante de boulangers professionnels commence à adopter : goût, conservation, Indice glycémique, dégradation de l’acide phytique, plus grande bio-disponibilité des nutriments, etc…
Quelques sources parmi tant d’autres :
- http://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/SelAfssa.pdf
- http://www.latribunedesmetiers.com/remesy-22/
- https://www.facebook.com/nicole.elgrissyter/videos/418520338657056/?t=117
- https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/visuel/2016/10/25/les-chiffres-des-principaux-cancers-decortiques_5019988_4355770.html?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1477466043
- https://www.fondation-arc.org/le-cancer-en-chiffres
- https://www.lanutrition.fr/editorial/la-baguette-de-pain-blanc-un-retour-en-grace-
- http://www.cancer-et-metabolisme.fr/les-fruits-nourrissent-ils-le-cancer/
- http://www.aveyron-bio.fr/fr/produisez-bio/documents/GC9-dossier-Quelle-technique-cho.pdf
- http://www.compagnons-boulangers-patissiers.com/crebesc/lacide-phytique/