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La Mie du Poiraud

De l’eau, de la farine et du sel - Partie 1

July 10 2018 , Written by La Mie du Poiraud Published on #Chemin du Pain, #Farine, #levain, #Blé, #Pétrissage, #Fermentation

Un ami m’a dit un jour, pendant que j’étais dans un stage de Pain d’une semaine : «Une semaine de formation pour du pain qui n’est qu’un mélange de farine et d’eau ?? »

 

Oui, une semaine, et puis une autre et puis des heures, des jours, des semaines, des mois et des années passés à essayer, chercher, recommencer, lire, analyser, rencontrer, tester, questionner… Au final, il semble que l’on puisse passer des années, voire une vie, à chercher son Pain idéal. Alors même que l’Homme fabrique du Pain depuis 10 000 ans…

De l’eau, de la farine et du sel. Sans rien d’autre à part du Levain, lui-même constitué de farine et d’eau, et de bactéries et de levures sauvages sans qui la fermentation ne serait pas, et sans qui le pain de blé ne serait qu’un pain dense comme peut l’être le pain de seigle.

A chacun ensuite de choisir la qualité de ces 3 ingrédients fondamentaux :

- L’eau : de source, ou du robinet, filtrée ou pas, dynamisée ou pas…

- Le sel : industriel (NaCl), ou issu de marais salants naturels (Guérande, Noirmoutier,…)

- La Farine enfin :

o   de blés “modernes” ou “anciens”, bio ou non,

o   de froment, d’épeautre, d’engrain, de Korasan, etc…

o   produite sur meules métalliques (cylindres) ou sur meules de pierre
 

Avec tout ce que ces choix peuvent impliquer dans la qualité finale du Pain que l’on fait avec. On n’obtiendra pas le même résultat nutritionnel avec une farine de blé moderne non bio faite avec un moulin à cylindre en plusieurs passes, qu’avec une farine de blé ancien bio sur moulin à meules de type Astrié !

Du pain avec 3 composants… ou 30 !

La grande majorité des pains proposés sur le marché contient plus que ces trois seuls composants : les blés conventionnels contiennent des pesticides, insecticides, fongicides, herbicides, issus de la culture ou du stockage. La farine fournie par certaines minoteries contient d’autres composants encore (additifs, auxiliaires technologiques, adjuvants, conservateurs,…), et les boulangers y ajoutent des levures et parfois d’autres produits pour renforcer la pâte.
 

Si vous cherchez « améliorants de panification » dans Google, des industriels affichent des argumentaires tel que celui-ci :

« Les améliorants de panification XXX sont reconnus par les professionnels les plus exigeants à travers le monde. XXX propose une large gamme qui combine, de façon équilibrée, des ingrédients fonctionnels : agents de réduction, agents d’oxydation, enzymes, ingrédients à effets spécifiques… pour améliorer la performance de la pâte et la qualité des produits finis. »

Si l’on en croit cette synthèse très neutre sur le sujet, les ingrédients les plus courants (la liste est donc non exhaustive) sont : gluten de blé, farine de blé malté, levure désactivée, germe de blé, farine de soja, farine de fèves, malt torréfié, levain déshydraté, dévitalisé ou désactivé, extraits de malt, gluten hydrolysé, fibres, dérivés laitiers (dont lactosérum), sucres (dextrose, fructose,...).

Quant aux additifs les plus courants (selon le produit de destination) : acide ascorbique (E300), lécithine (E322), mono- et diglycérides d’acides gras (E471), Datem (E472e), SSL ou CSL (E481, E482), texturants, L-cystéine (E920), sorbates (E200-203), propionates (E280-283), poudres à lever.

Enfin, les enzymes les plus courantes : amylases, xylanases, glucose oxydases, cellulases, protéases, transglutaminases et lipases.

Ces additifs répondent aux altérations apportées aux blés par l’industrie céréalière conventionnelle et par le processus de production de la farine industrielle, de même qu’ils apportent des réponses aux contraintes modernes :

- Contraintes mécaniques des machines utilisées dans des processus de production industriels de masse,

- Contraintes de production dans un domaine où la production est parfois pénible (transport, congélation, fournées successives, variations climatiques…)
 

Mais comment peut-on parler de Qualité et d’exigence dans ce contexte ? Et surtout qu’est-ce que « Qualité » signifie désormais ? Est-ce une qualité de la production, qui donnera des produits homogènes et commercialisables en toute circonstance ? Est-ce la qualité organoleptique des produits ? Ou est-ce leur qualité nutritionnelle ?

Au final, ne sommes-nous pas victimes de ce qui a été appelé «changement des états de références » ( « Shifting baseline » en anglais) par les anglo-saxons ? Ce n’est pas nouveau, et en 2002 je traduisais déjà un article traitant de ce concept qui décrit notre capacité à considérer un état de référence à un instant T comme étant une Norme. L’article donnait un exemple :

« Le nombre de saumons dans la rivière Columbia du pacifique Nord-Ouest est aujourd'hui deux fois plus élevé que dans les années 30. Cela semble une bonne nouvelle si les années 30 sont votre état de référence. Mais la population de saumons de la rivière Columbia dans les années 30 représentait seulement 10% de ce qu'elle était dans les années 1800. En 1930, les chiffres reflètaient un état de référence qui avait déjà changé. »

Il en va de même de toutes choses, et le Pain n’y échappe pas, puisque nous considérons désormais normal de manger un pain privé de nutriments mais saturé de produits chimiques.

3 ingrédients mais tellement de combinaisons !

3 ingrédients suffisent normalement, donc, à faire un pain de qualité, surtout si l’on dispose d’une belle farine soyeuse et grasse issue d’un blé paysan bio, fraîchement produite (idéalement du jour !) en une passe par un moulin à meule de pierre de type Astrié.

Sans rentrer dans les détails du processus de fabrication du pain, il est étonnant de constater à quel point les paramètres du processus de panification sont nombreux, en interaction, ce qui donne un peu de fil à retordre à celui qui s’aventure sur le Chemin du Pain :

  • La température et l’hygrométrie du fournil
  • La température et l’hygrométrie de la farine
  • La température de l’eau de coulage que l’on utilise
  • Le taux d’hydratation de la pâte
  • La nature et la composition de l’eau que l’on utilise (source, robinet,…)
  • La nature et la quantité de sel (industriel, naturel,…)
  • L’état de l’eau (dynamisée ou pas)
  • La nature du ou des blés qui composent la farine (modernes, paysans, et variétés)
  • L’âge de la farine (si elle a été produite récemment ou pas)
  • Le type de farine (blanche, bise, complète… )
  • La nature du levain utilisé (liquide ou dur)
  • La nature des fermentations que l’on utilise (à froid, à chaud, bloquées, lentes, rapides, lactiques ou alcooliques)
  • Les protocoles (autolyse, rabats,…)
  • Les durées de fermentations (pointage, apprêt)
  • Le mode de pétrissage (manuel, mécanique)
  • La durée du pétrissage
  • L’intensité du pétrissage
  • Les gestes du pétrissage
  • La nature du pétrin mécanique (outil, type de pétrin,…)
  • La manière de façonner les pains
  • La nature du four
  • La durée de la cuisson et la température de cuisson
  • La manière dont on hydrate le pain dans le four (buée)
  • La localisation des pains dans le four
  • Les outils que l’on utilise (bannetons, couches,…)

Bref, autant de paramètres qu’il faut tester pour s’en rendre maître, et produire le meilleur pain possible. Ce qui me laisse un certain nombre de tests à faire avant d’être confiant sur ma technique !

Si l’on essaye de se concentrer sur des paramètres que le consommateur peut plus facilement comprendre, voici une tentative d’échelle de qualité des pains en fonction de choix du boulanger. Par “qualité” nous entendrons ici “qualité nutritionnelle” :

De l’eau, de la farine et du sel - Partie 1

Cette représentation est évidemment schématique, discutable et incomplète (la qualité de l’eau, tant physico-chimique qu’énergétique n’y est pas traitée par exemple), mais elle me semble donner une vision synthétique des qualités de pains que l’on peut trouver sur le marché.

Dans un autre article, je ferai un zoom sur les qualités nutritionnelles étonnantes de certains pains, ce qui apportera un complément d’information peu courant je pense.

Lire aussi :

- Une synthèse sur les améliorants :
http://www.boulangerie.net/forums/bnweb/dt/ameliorants/L_amelioration_et_les_ameliorants.pdf

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A
Encore un article où je me suis régalé à lire, encore chapeau :-)
Reply
Q
Bonjour, ça me fait plaisir de lire ce type de blog. Ça faisait déjà quelques années que je faisais du pain maison, d'abord avec une MAP, ensuite à la main, mais jamais réellement avec les bons ingrédients. Jusqu'à ce que je m'intéresse de plus près à la panification. J'ai commencé mon levain il y a un an, il se porte bien, et j'ai petit à petit supprimé tout ce qu'il y a d'industriels dans mes pains. A commencer par la farine, de la farine de grande conso je suis passé à de la farine bio puis de la farine bio de meule de pierre. De la T65 à la 80, désormais en intégrale, au seigle, épeautre etc etc. Depuis je suis exigeant sur la qualité des pains que j'achète. Je lisais sur un autre billet le résultat de la fermentation, selon le temps dispo je fais des fermentations courtes (4/5h de pointage avec 30% de levain), ou un pointage au frais (24h a 6/8°), et mon moment préféré reste la découpe du pain qui libère tous les arômes, la sensation de la croûte... Ça me passionne tellement que je suis en train de monter mon four en pierre dans le jardin. Voir la bouille de mes gamins dévorer mon pain n'a pas de prix. ☺️
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L
Merci :))<br /> Vous dites : "je fais des fermentations courtes (4/5h de pointage avec 30% de levain), ou un pointage au frais (24h a 6/8°)"<br /> Méfiez vous quand même : <br /> - avec 30% de levain, une fermentation à T° ambiante de 3h est souvent suffisante<br /> - pour une fermentation au froid, à 6/8°, 16h sont aussi généralement suffisants<br /> Si vous fermentez trop longtemps, le pH baisse trop (4.00 et moins), et cela favorise la "digestion" du gluten par les enzymes protéases qui sont favorisés par ce type d'acidité, et qui découpent les chaines protéiques. <br /> Cordialement