Respectus Panis : un livre en demi-teinte sur une nouvelle méthode de panification
Comme je le mentionnais dans un post précédent, le livre "Respectus Panis" est sorti en octobre 2017.
Ce livre, créé par les Ambassadeurs du Pain, un regroupement de grands boulangers très reconnus et titrés, explique une nouvelle méthode de panification.
Un constat : la mode du pain blanc est allée trop loin
Cette méthode s'appuie sur un constat :
- La mode du pain blanc est allée trop loin, au point que certains pains blancs sont désormais malsains et sans goût (trop d'additifs chimiques, trop de levure, trop de gluten difficile à digérer, une conservation trop limitée,...)
- Les consommateurs s'en détournent progressivement
Les Ambassadeurs du Pain ont souhaité établir une nouvelle approche de la panification, plus respectueuse du consommateur, de sa santé, du goût, de l'écosystème et des blés :
- Utilisation de farines pures non modifiées, là où il y a parfois jusqu'à 14 additifs dans certaines farines du marché actuel.
- L'utilisation de farines moins blanches (T80), sur meules de pierre, moins oxydées et donc nutritionnellement plus riches en vitamines et autres nutriments,
- L'utilisation de farines de blés anciens, plus goûteuses et plus riches
- Un ensemencement très réduit en ferments : pour permettre une fermentation longue à température ambiante, il faut réduire drastiquement la quantité de ferments ajoutés à la pâte (levure : 0.5 g par kg de farine, contre des dizaines de grammes actuellement).
- Vers une utilisation plus courante du levain, grâce à des quantités extrêmements réduites et donc plus simples à gérer (2 g par kg de farine, contre 150 à 300 g actuellement). La fermentation au levain permet une meilleure conservation et plus de développement des arômes.
- Réduction du sel (vers 12 g / kg de farine, contre 18 voire 20 g aujourd'hui)
- Temps de pétrissage court, à la main ou à la machine : 3 minutes contre 10 à 20 minutes jusqu'ici), ce qui génère moins de gluten, oxyde moins la pâte, détruit moins les arômes. L'abandon du pétrissage intensif (long et rapide) permet aussi de réduire l'indice glycémique (taux de glucose dans le sang deux heures après ingestion) en évitant que l'amidon se transforme en glucides rapides.
- Une fermentation à température ambiante (18°C) et non au froid (écologique), avec une température de pâte de 27°C en fin de pétrissage.
- Une fermentation longue (18h, au lieu de quelques dizaines de minutes dans de nombreuses pratiques conventionnelles actuelles, ce qui permet de détruire l'acide phytique et développer les arômes)
Une telle méthode, compatible avec les contraintes de production professionnelles, permet des économies de matières et d'énergie (sel, électricité, levures) et de temps, tout en permettant de produire du pain à toute heure : les pâtons fermentés peuvent être bloqués au froid avant usage.
Pour avoir essayé la méthode, elle fonctionne bien, et donne un pain très savoureux que les testeurs ont préféré aux autres.
Une approche en demi-teinte ?
Le livre est constitué d'une première partie qui présente la méthode avec de nombreux renforts de boulangers émérites, pour lui donner plus de crédibilité.
Une vingtaine de recettes sont ensuite présentées par de grands noms de la boulangerie, qui en signent chacun une en présentant leur CV.
La troisième et dernière partie traite de la suppression du pétrissage, de l'organisation au fournil, de la transmission du savoir et des blés anciens.
Ce qui m'a surpris dans les recettes proposées, c'est qu'elles ne respectent pas toutes les principes de la méthode :
- On vante d'un coté la T80 sur meule et le blé ancien, et certaines recettes utilisent de la T45 Gruau, alors même qu'il aurait peut-être été possible de l'éviter.
- Une recette utilise 50 g de levain + 3 g de levure par kg de farine, une autre carrément 2300g de levain pour 2 kg de farine !
- Si la méthode préconise 12 g de sel, certaines en affichent 15, 16, 17, 20 voire 25 ou 27 g !
Une telle méthode peut apporter une réelle révolution dans les fournils et sur nos tables. Il aurait été logique que chaque recette s'attache à en démontrer la mise en oeuvre. Cela n'empêche pas l'approche d'être attractive, mais on ressort du livre avec l'impression que certaines recettes ne sont pas totalement compatibles avec la méthode, ce qui est dommage.